Dans l'imaginaire collectif,
l'amour a toujours été associé à la beauté, au bonheur, au bien-être, sans écorchures. Tous nos contes pour enfants finissent merveilleusement bien et
l'amour est féérique et magique, sans obstacle, sans mal. Mais comme on dit, aucune médaille n'est assez mince pour n'avoir qu'un seul côté : quels sont donc les revers de
l'amour ? La souffrance ? Oui, mais elle est loin d'être son opposé. La souffrance se lie à
l'amour comme les doigts d'une main; elle est un autre côté dont on se refuse l'accès ou qu'on ne voit pas.
L'amour n'est donc pas si beau qu'on le croit.
L'amour, n'est-il pas à la recherche du beau ? Oui. Il aime ce qu'il n'a pas, il n'a donc pas de beauté.
Ceci crée un manque : l'amour ne voit pas plus loin; l'amoureux en relation espère donc que cet amour se régénère chaque jour. Mais l'aimant qui veut que son amour perdure, c'est qu'il aime dans le présent, puisqu'il le qualifie d'amour. Cela signifie alors qu'il n'est pas en manque. C'est un manque envisagé, un futur manque qu'il prévoit combler. L'aimant espère chaque jour combler son manque de demain. Mais on ne peut prévoir l'avenir que par hypothèse. De là les inquiétudes, de là l'importance de prévoir la monotonie qui affaiblie
l'amour. Si on a peur de ne pas être capable de combler ce manque, de rendre à
l'amour sa juste valeur, car c'est un exercice ardu : on souffre. C'est la crainte perpétuelle de perdre l'autre. Cette souffrance est par contre un bon allié pour savoir honorer l'amour. La peur, l'adrénaline de celle-ci souffle un vent d'espoir à
l'amour. C'est la souffrance protectrice.
Mais la fusion entre deux êtres n'est pas un préalable à
l'amour.
L'amour naît pour quelqu'un et il peut vivre sans coexister avec l'aimé. Une personne peut donc en aimer une autre, même si cette dernière n'en ressent point d'intérêt. La souffrance intervient alors à ce moment. Cruellement, l'amoureux se voit obligé d'accepter de s'en tenir au bonheur de l'autre pour vivre, c'est-à-dire qu'il se contente de ressentir les émotions de l'autre pour combler son vide de ne pas être « avec » l'aimé : il est proche, mais n'est pas en fusion. Il aime. Il n'attend plus rien de l'existence de cet
amour. Il stagne, se complait de souffrance, aussi longtemps qu'il vivra, admettant qu'il ne puisse aimer aussi intensément, une deuxième fois. Sa souffrance est synonyme de sa passion. C'est de l'honnêteté vis-à-vis l'amour. L'honnêteté de voir que
l'amour est unique, ce qui le qualifie de véritable. Il aime alors entièrement pour gruger jusqu'à la moelle
l'amour dont il est capable « d'éprouver ». Cette souffrance n'est pas un mythe, et même si certain croit avoir dissipé l'amour et la souffrance pour se trouver un nouvel amour, il fera des rebonds insidieux dans la vie de celui qui l'a nié. On ne peut s'en remettre. Il est préférable d'aimer en souffrance dans un « rien » complet, sans l'aimé, que de se contenter d'un
amour petit, galvaudé, de mal aimer.
Après avoir exprimé ma vision de la souffrance à son état protecteur, qui est inévitable, et de la souffrance honnête, qui est crue, il est normal dans l'idéologie collective d'en avoir peur, de n'espérer aucune souffrance dans
l'amour, aucun accrocs, même petits. Cela vient de tous les contes pour enfants ou du théâtre relatant des histoires
d'amour, qui, depuis la nuit des temps, voit la souffrance comme le mal à combattre. Dans cette position, la souffrance est immonde et laide, et associée à l'amour, elle ne peut rendre l'amour beau et magnifique. Mais la souffrance n'est ni laide ni triste : elle est honnête. Jamais elle n'est mensonge. L'honnêteté est une belle chose. De la souffrance naît une vérité violente. On ne doit pas en avoir peur. Si c'est le cas, c'est à ce moment qu'on ne voit rien, que
l'amour est désagréable, malsain et laid, puisque personne, ne prétend que
l'amour est beau par défaut. Il faut le rendre beau, même dans sa pire douleur.
Vivre sa souffrance dans l'acceptation, en s'avouant qu'elle est inhérente, et non comme un châtiment, la rend belle.
L'Amour, c'est définitivement d'accepter sa souffrance, car on peut jouir d'une souffrance irréprochable : même le plus atroce des supplices peut être porteur du bonheur le plus pur.
L'Amour n'est pas une chose facile en soi, c'est une passion violente et il faut toujours y être alerte. On ne peut donc aimer sans souffrir, que ce soit complètement, continuellement, ou de temps en temps, car c'est une conséquence directe qui est là, par le fait d'aimer, ou d'embellir son
amour. La souffrance permet de donner jour à
l'Amour le plus vrai, sa passion la plus brûlante, et même dans ses moments les plus cruels, elle est belle, car elle est honnête.
L'Amour, c'est tout ou rien : le vivre véritablement est beau et déstabilisant, mais considérer être grand ce qui est modéré, un peu beau, un peu laid, est être indigne et déshonorer
l'Amour.
.....
Je t''aime .....
...... même ......
.... si j'en souffre